• <h3-title></h3-title> <h3-title></h3-title>22 mai 1967 : incendie tragique à l'Innovation <div-header-line-1></div-header-line-1> <div-header-line-1></div-header-line-1> <div-body></div-body> <div-body></div-body>

     

    Imaginez... Nous sommes le lundi 22 mai 1967 aux alentours de 13 h dans le magasin de l’Innovation situé rue Neuve, en plein coeur de Bruxelles. On apprend qu'il y a le feu dans le bâtiment. C'est la panique ! Rapidement une fumée suffocante, acre et sombre envahit tous les étages. L'incendie devient violent. Devant l'ampleur de la catastrophe, près de 150 pompiers de trois casernes sont dépêchés sur les lieux du sinistre. Les autorités craignent que l'incendie se propage à tout le quartier. Soudain, on entend un bruit de verre fracassant : sous la chaleur de l'incendie, la baie vitrée vient de s'effondrer dans l'immense hall central. On voit des personnes se jeter par les fenêtres sur les toiles tendues par les pompiers. On apercoit des cadavres et des personnes dont les cheveux, les bras ou les vêtements sont brûlés. On entend crier et appeler au secours. Puis c'est l'embrasement général. Le spectacle est horrible. L'Innovation s'est tranformé en brasier ! L'incendie fera au moins 251 morts et 74 disparus (un autre bilan cite 320 victimes). Ce fut l’un des plus grands incendies qu’ait connu la Belgique et le plus tragique depuis la guerre.
    Ce jour là, encore enfant je devais aller à l'Innovation avec ma maman, mais elle changea d'avis à la dernière minute... Ouf ! On remercie encore la bonne étoile qui nous empêcha d'y aller !
    On apprendra plus tard qu'une jeune employée, qui vit toujours, avait découvert un feu dans une remise du rayon layette au 1er étage et avait prévenu les pompiers. Le pompier de service n'a pas pu utiliser son extincteur et dut demander l'aide de ses coéquipiers. Il était 13h34. Pendant que les pompiers arrivaient, le feu se propagea dans les faux-plafonds. Bientôt le rayon peignoir s'enflamma puis les cuisines des restaurants. Les pompiers arrivèrent à 13h40, soit 4 minutes après l'alerte. Ils éprouvèrent beaucoup de difficulté pour éteindre l'incendie car leurs échelles de secours ne montaient pas suffisamment haut et ils étaient mal équipés. On connaît malheureusement les conséquences de ces imprudences.
    La polémique
    Depuis cette époque, une chape de plomb recouvre cette tragédie. Selon les employés, "Le mot d'ordre de la direction a été : On n'en parle pas. On en était encore au paternalisme. Surtout à l'Innovation. Avec ses bons côtés : le patron appelait chaque employé par son prénom. Mais aussi avec les secrets de famille."
    D'autres témoins rappellent que "L'Innovation faisait partie d'un grand groupe. Le gouvernement n'était pas transparent non plus. C'était l'époque des 'petits arrangements entre amis'. Certains journalistes ont posé des questions, restées sans réponse. La direction mentait de façon éhontée !".
    On ne connait toujours pas la cause de cet incendie. Une fois l'incendie circonscrit on ne découvrit aucune trace suspecte. Comme en témoigne la photographie ci-dessous, le coeur du bâtiment n'était qu'un enchevêtrement de poutrelles d'acier tordues. Car l'acier reste une matière élastique qui commence à rougir et à perdre sa rigidité au-dessus de 900°C. Allié au poids des masses, le bâtiment s'effondra rapidement. On évoqua un possible attentat suite à une manifestation contre les Etats-Unis, mais cela ne fut jamais démontré. Reste l'accident fortuit ou par négligence.
    Qui est responsable ? Les lacunes de sécurité furent nombreuses. Si aujourd'hui les règles de sécurité et notamment anti-incendie comptent une bonne dizaine de pages, en 1967 elles se résumaient à un paragraphe de 10 lignes ! Difficile dans ces conditions d'être détaillé ! En fait chaque entreprise faisait de son mieux pour respecter la réglementation, mais c'était surtout de l'amateurisme et les installations efficaces étaient encore peu nombreuses.
    Selon un pompier, "Pour moi, les responsables sont les propriétaires de l'époque: ils savaient que leur magasin était un piège à rats en cas d'incendie. Juste à côté, le Bon Marché installait le springlage. L'Innovation n'en voulait pas: trop cher..." De fait, le bâtiment était loin de respecter les normes incendies et ne fut jamais conçu avec cette intention. L'immense bâtiment de 5 étages fait de métal dans le plus pur style Horta s'articulait autour d'un puits de lumière, une immense baie vitrée centrale qui lui donnait tout son cachet. A chaque étage Horta avait disposé d'immenses plate-formes qui s'étendaient sur des centaines de mètres, sans coupe-feu. C'est cette architecture folle qui facilita la propagation du feu. A l'époque on pensait plus à l'esthétique du lieu qu'à la sécurité du personnel et du public !
    Trois ans après l'incendie, le Parquet de Bruxelles conclut que c'était le destin. Or les constats des pompiers ne laissaient planer aucun doute : "Et les fenêtres condamnées devant lesquelles on a trouvé plein de cadavres ? Et les issues de secours débouchant sur rien ?"
    Il n’y a jamais eu de procès... Et pour cause, "Pas une famille ne s'est constituée partie civile : on leur disait qu'elles perdraient leur procès. On a indemnisé au cas par cas. On a proposé à un papa 5.000 FB pour le décès de sa fillette de 3 ans! 80% des indemnités des assurances ont payé les dégâts matériels !"
    A l’heure actuelle il y a encore des héritiers ou ayants-droits des victimes qui n’ont pas été indemnisés. Les assurances ont uniquement indemnisés les dégâts matériels ! Encore aujourd'hui des témoins de ce drame font état de séquelles psychologiques. A l'époque, l'assistance psychologique n'existait pas et chacun a dû gérer ses souvenirs et ses douleurs...
    2002, les témoins parlent
    Après 25 ans d'enquête, Bernard-Jean Houssiau, professeur à l'IAD et réalisateur à la RTBF et à TF1 publia en 2002 aux Editions Luc Pire un livre de 128 pages sur cet accident et ses conséquences : "22 mai 1967, Incendie de l'Innovation". Les extraits cités proviennent de ce livre qui fut réédité en 2007. L'enquête qu'a conduit Houssieau mérite votre attention car il dénonce un accident qui aurait sans doute pu être évité et soulève bien des questions restées en suspens depuis... 40 ans !
    La RTBF commémora également l'accident en mai 2007 en diffusant un documentaire historique mais les représentants du gouvernement sont restés muets sur la question. Seuls les témoins de l'époque ont osé dire le fond de leur pensée et dénoncés l'inaction et la langue de bois des autorités de l'époque.
    Heureusement, aujourd'hui, nous avons tiré les leçons du passé. Beaucoup de choses ont évolué en commençant par la sécurité anti-incendie comme en témoigne le rapport très instructif publié en 2007 par l'ingénieur Jean-François Denoël de la Febelcem intitulé "Sécurité incendie et construction en béton" dans lequel l'auteur explique la manière dont se propage un feu, les normes incendies actuelles et les nombreux avantages d'une construction en béton armé.
    Bien sûr, aucune structure ne peut aujourd'hui résister à un accident majeur. Rappelez-vous les attentats du WTC le 11 septembre 2001 qui firent 2997 morts et disparus. Suite à l'impact des avions B767 sur les buildings, les 45000 litres de kérozène contenus dans leurs ailes se sont bien enflammés mais furent rapidement étouffés. L'acier n'a même pas rougit. C'est l'effondrement des plate-formes endommagées sur les niveaux inférieurs qui provoqua l'effondrement des deux tours par le simple effet de la gravitation, les étages s'effondrant sous leur propre poids. C'était hier.
    L'Inno, hier et aujourd'hui
    Terminons cette revue sur une note plus légère en rappelant l'histoire de l'Innovation. Tout commença en 1845 lorsque la famille Thiéry ouvrit le magasin "Au Bon Marché" rue Neuve. En 1866, les époux Vaxelaire-Claes reprennent la direction du magasin. Un an plus tard Bernheim et Meyer ouvrent l'enseigne "A l'Innovation" rue Neuve puis en 1900, une succursale chaussée d'Ixelles. En 1902, on entama la construction des nouveaux magasins "A l'Innovation", toujours rue Neuve, sur les plans de Victor Horta. Ils seront inaugurés en 1920. "L'Innovation" ouvrira ensuite de nombreux magasins jusqu'en 1974 dont les magasins "Priba".
    A l'époque de l'accident, l'Innovation était la plus grande surface commerciale de Belgique. Ses bâtiments constituaient également le bel ensemble d'architecture de style Horta et proposait à la vente ce qui se fabriquait de mieux en Belgique et en Europe. Ses concurrents étaient "Le Bon Marché" et "Le Grand Bazar". En 1969, "Innovation" et "Bon Marché" fusionnèreent sous le nom de "INNO-BM". En 1974, la société absorba "GB Entreprises" et donna naissance au groupe "GB-INNO-BM", GIB. En 2004 tous les magasins "INNO" passèrent sous l'enseigne "GALERIA INNO".
    Avec plus de 160 ans de traditions commerciales, l'Inno demeure l'un des fleurons de l'économie belge et une enseigne de qualité appréciée des clients. Rue Neuve, l'Inno occupe une superficie de 30000 mètres carrés. La direction respecte scrupuleusement les normes de sécurité : les plate-formes sont compartimentées, il y a une réserve d'eau de 20000 litres au sou-sol, des springlers (ils déversent de l'eau tout azimut lorsque la température ambiante dépasse 60°C), des extincteurs, des alarmes, des portes coupe-feu, un circuit d'éclairage de secours, des sorties de secours, des escaliers d'évacuation, etc. Le personnel comme les pompiers s'entraînent régulièrement aux exercices d'alarme et vérifient périodiquement l'accessibilité et l'état de fonctionnement des appareils anti-incendie. L'Inno est plus sûr que jamais et compte parmi les magasins les plus fréquentés par les Bruxellois. A ne pas confondre avec le "Centre commercial City 2" créé en 1978 situé juste à côté et qui abrite notamment la Fnac et 103 autres boutiques.

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