• Extrait d'un témoignage du Pianiste Wladylaw Szpilman

    Extrait d'un témoignage du Pianiste Wladylaw Szpilman
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    TchatcheBlog: Extrait d'un témoignage du Pianiste Wladylaw Szpilman

    Le Film le Pianiste est inspiré de l'histoire vraie de Wladyslaw Szpilman un juif polonais mort en 2000. Voici un extrait d'un de ces témoignages. Ainsi qu'une photo du mur de Varsovie.

    « Eh Szpilman, par ici ! »

         Nous nous sommes préparés au départ. Pourquoi attendre encore ? Mieux valait trouver une place rapidement. A quelques pas du train, les gardes avaient établi un large corridor qui laissait la foule s'écouler vers le convoi.
         Le temps que nous nous rapprochions un peu, les premiers wagons étaient déjà pleins, mais les SS continuaient à pousser les gens à l'intérieur avec la crosse de leur fusil, insensibles aux cris de douleur qui montaient du fond. Même hors du train, l'odeur de chlore gênait la respiration, alors dans cette cohue... Qu'avait-il pu se passer là-dedans pour avoir nécessité une quantité de désinfectant aussi massive ?
        Nous étions environ à mi-chemin de la voie lorsque j'ai entendu soudain crier : « Hé ! Szpilman, par ici, parici ! » Quelqu'un m'a attrapé par le collet et m'a tiré sans ménagement de l'autre côté du cordon de policiers.
        Qui avait osé ?Je ne voulais pas être séparé de ma famille. Je voulais rester avec eux !
        Le dos des gardes serrés les uns contre les autres me bouchait la vue. Je me suis élancé en avant mais ils n'ont pas bougé de leur place. Par-dessus leurs épaules, j'ai entrevu Mère et Regina, que Henryk et Halina étaient en train d'aider à se hisser péniblement dans un wagon. Père restait un peu en arrière, me cherchant des yeux.
        « Papa ! »
        II m'a aperçu, a fait deux ou trois pas dans ma direction et s'est arrêté. Très pâle, il hésitait. Puis ses lèvres tremblantes ont formé un sourire navré, il a levé une main et m'a fait un signe d'adieu, comme si j'étais revenu dans le fleuve de la vie et qu'il prenait congé de moi de l'autre côté de la tombe. Il a tourné les talons.
        Je me suis encore jeté de toutes mes forces contre les policiers.
        « Papa ! Henryk ! Halina ! »
        C'étaient les cris d'un possédé. Je ne pouvais supporter l'idée d'être éloigné d'eux à un moment aussi terrible, la perspective d'être séparé d'eux à jamais.
        L'un des gardes s'est retourné et m'a lancé un regard furibond : « Mais qu'est-ce que tu fiches, toi ? Va-t'en, sauve ta peau ! »
       Me sauver ? de quoi ? En un éclair, j'ai compris ce qui attendait la foule entassée dans les wagons et mes cheveux se sont dressés sur ma tête.
        J'ai regardé derrière moi. L'esplanade presque vide maintenant, les voies ferrés et là-bas les rues, la ville... Aiguillonné par une peur animale, j'ai couru d'instinct dans ce sens.J'ai pu passer une des portes sans encombre car je m'étais glissé dans une colonne d'ouvriers du Conseil juif qui sortaient juste à ce moment.
        Quand j'ai retrouvé une certaine lucidité, j'étais dans une artère inconnue, au pied d'un immeuble. Un SS a surgi sur le perron, accompagné d'un policier juif. Il avait une expression impassible, d'un calme arrogant, alors que l'autre rampait devant lui, empestait le désir de plaire. Il a tendu un doigt vers le train arrêté sur 1' Umschiagplatz et, d'un ton sarcastique, empressé d'établir une relation de camaraderie<nobr> </nobr>: « Tiens, regarde, ils partent griller ! »
        J'ai suivi son regard. Les wagons avaient été fermés. Le convoi s'ébranlait lentement, pesamment.
        J'ai pivoté sur moi-même et je suis parti en chancelant devant moi, dans la rue déserte, secoué de sanglots, poursuivi par les cris étouffés de tous ces êtres enfermés dans le train. On aurait cru le pépiement oppressé d'oiseaux en cage qui sentent un danger mortel fondre sur eux.
    [Par la suite, quittant le ghetto, caché d'abord par des amis, puis seul dans les ruines de Varsovie, le musicien parviendra à survivre. Il sera, à la toute fin, sauvé par un officier allemand mélomane.]

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