•  La tragèdie de l'USS Indianapolis

    Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, la guerre avait quitté le champ de bataille qu’était devenue l’Europe pour se concentrer dans le Pacifique Sud, où le Japon menaçait encore la paix. L’avance des forces alliées était significative, les forces japonaises semblaient s’affaiblir mais leurs avions et leurs sous-marins patrouillaient encore les mers, causant des dommages significatifs aux navires américains.

    Peu de temps après être revenu d’une périlleuse mission durant laquelle il avait été gravement endommagé, le croiseur lourd USS Indianapolis était de nouveau prêt à prendre le large. Sa prochaine mission devait de loin être la plus importante qu’il ait accomplie ; Il devait livrer des pièces essentielles à la conception des bombes nucléaires sur l’île Trinian, bombes qui frapperont plus tard le Japon. Les américains avaient capturé l’île un an plus tôt, et espéraient l’utiliser dans leurs prochaines offensives contre les japonais.
    La mission était simple mais dangereuse, le croiseur lourd devait faire de grands détours, naviguer en zigzagant et voyager sans escortes afin de ne pas réveiller de soupçons. Le USS Indianapolis quitta donc San Francisco, Californie, le 16 juillet 1945, avec comme objectif d’atteindre l’île de Trinian après quelques escales.

    Cette première partie de la mission fût accomplie avec succès le 26 juillet, et le navire reparti aussitôt, déchargé de sa précieuse cargaison, faisant route loin des caps habituels et sans aucune escorte.
    C’est deux jours après son départ de Guam, le 30 juillet 1945, que le croiseur lourd tomba dans la mire du I-58, un sous-marin japonais qui surveillait les environs. À cause de l’équipement désuet du navire, l’équipage fut incapable de détecter la présence de l’ennemi et le capitaine McVay, l’homme en charge du USS Indianapolis, n’avait pas été informé qu’un navire de la US Navy, le USS Underhill, avait récemment été torpillé par un sous-marin japonais près de la zone qu’il devait traverser.

    C’est donc à 00 :14 que deux torpilles frappèrent de plein fouet le USS Indianapolis, qui coula en 12 minutes. Sur les 1 196 marins qui se trouvaient à bord du navire, environ 900 eut le temps de sauver à la mer, avec pour seul équipement un gilet de sauvetage individuel. Les autres furent tués lors des explosions ou coulèrent avec le navire. Bien que certains membres de l’équipage affirment qu’un message de détresse fut envoyé, les autorités navales américaines affirmèrent n’avoir reçu aucun signal. Certains prétendent qu’ils ignorèrent l’appel, croyant à une ruse japonaise pour envoyer des secours dans un secteur dangereux. Les services d’intelligence décodèrent un message provenant du I-58 à l’intention du Japon, dans lequel il prétendait avoir coulé un navire américain, ce message fut également ignoré.

    Perdus en mer et oublié de tous, les survivants attendaient désespérément des secours, ignorant que leur appel de détresse n’avait pas été entendu, ils croient que les sauveteurs arriveront rapidement. L’eau est froide mais les hommes gardent le moral, cependant leur optimisme s’éteindra durant l’après-midi de leur deuxième journée en mer, lors des premières apparitions de requins. Ces derniers tournaient alentour des naufragés, les heurtant à quelques reprises, mais ne semblait pas vouloir attaquer. Les hommes tentaient de se regrouper, pour éviter que certains d’entre eux se retrouve isolés, devenant ainsi une proie facile pour les requins.

    La troisième journée fût de loin plus difficile. Les requins, qui avaient disparu durant la nuit, sont maintenant de retour et plus nombreux que la journée précédente. Plusieurs attaques eurent lieu et les marins, impuissants, regardèrent plusieurs de leurs compagnons se faire dévorer devant leurs yeux. La mort était omniprésente dans l’eau, la peur et le désespoir brisèrent le moral de plusieurs marins. Ce témoignage d’un des survivants exprime bien la terreur qui régnait sur les survivants du USS Indianapolis :
    "La journée avançait et les requins étaient autour, il y en avait des centaines. J’entendais des gars crier, surtout vers la fin de l’après-midi. Ils se sont nourris toute la nuit. Tout pouvais être tranquille et soudainement vous entendiez quelqu’un crier, vous saviez qu’un requin venait de l’avoir."

    La quatrième journée, la mort planait autour de ces hommes qui dérivaient dans la mer des Philippines. Ils étaient déshydratés, plusieurs étaient morts ou avait été gravement blessés par les nombreuses attaques de requins.
    Les naufragés avaient bien aperçu des avions depuis le naufrage, mais ils étaient généralement très hauts et trop loin. Ils essaient néanmoins d’attirer leur attention grâce au réflecteurs que possédaient certain des gilets de sauvetage.
    Le 2 août, les survivants furent accidentellement trouvés par les lieutenants Chuck Wilber et Warren Colwell, durant une patrouille aérienne de routine. Aussitôt que l’information se rendit au quartier maître, toutes les unités de la région capables de secourir les survivants ont été envoyées dans ce secteur.
    Le premier arrivé fut un avion PYB, qui largua des vivres et du matériel de survie aux naufragés. L’équipage de l’avion fut horrifié de constater que les hommes à la mer se faisaient dévorer par les requins. Malgré qu’il ait reçu l’ordre de ne pas se poser, le commandant du PYB, LT. R. Adrian Marks, posa l’appareil et tenta de sauver quelques nageurs isolés, afin d’éviter qu’ils soient attaqués. Une fois que l’avion fut rempli de survivants, l’équipage de l’avion attacha des cordes de parachutes sur les ailes, afin de suspendre des survivants et de les garder hors de l’eau. Les ailes de l’avion furent gravement abîmées, condamnant cette dernière à être coulée après le sauvetage. Marks et son équipe sortirent 56 hommes de l’eau.

    Durant la nuit, le Cecil Doyle arriva près des survivants. Il était le premier bateau à les rejoindre mais ne préféra pas trop s’approcher afin de ne pas tuer de survivant, préférant s’approcher du PYB et commencer à transférer les survivants qui se trouvaient dans l’avion. Il braqua aussi son phare de recherche vers le ciel, mettant ainsi sa sécurité en jeu, afin d’indiquer à un autre navire la route à suivre pour atteindre les survivants. Cette lumière fut le premier signe, pour l’équipage du Indianapolis, que les secours étaient arrivés.
    Au lever du soleil, la cinquième journée, les sauveteurs viennent en aide aux marins qui se trouvaient toujours dans l’eau. Les recherches pour retrouver d’autre survivants se poursuivirent jusqu’au 8 août. Sur les 900 marins qui ont survécut à l’attaque japonaise, seulement 317 furent retirés des eaux vivants. Après cinq jours à affronter la soif, la faim, la peur, la folie et les attaques constantes de requins, l’équipage du USS  Indianapolis fut finalement sauvé de la mer.

    La tragédie du USS Indianapolis est probablement l’une des pires catastrophes maritimes de l’histoire, du moins, l’une des plus terrifiantes.


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