• Eruption de la Montagne Pelée

    Eruption de la Montagne Pelée

     

    Dès février, la montagne Pelée exhale du H2S, un gaz qui sent l’œuf pourri, fait tousser les gens et noircit l’argenterie. Gaston Landes, professeur de sciences naturelles au lycée de Saint-Pierre s’étonne de voir sortir des fumerolles de l’Étang sec et du lac des Palmistes.

    Le 23 avril 1902 on pouvait voir un étrange panache blanc et noir sous l’écharpe de nuage de la montagne, ce sont des vapeurs éruptives. La montagne tremble et fait tomber la vaisselle des armoires.

    Le 24 avril quelques Pierrotins sont intrigués par le curieux bonnet de vapeurs blanches et noires qui coiffe le volcan. Le volcan tremble et un peu de cendres tombent sur le Prêcheur, une commune au Nord de Saint-Pierre. Des pierres s’échappent du volcan. De ses flancs une fumée émane, haute de près d’un kilomètre. L’éruption passe en phase phréatique : le magma est arrivé au contact des nappes d’eau qu’il vaporise bruyamment. A 22 heures le même jour, les assiettes tombent des armoires. C’est un séisme peu important, juste deux secousses. Les élections législatives battent leur plein, les candidats s’accusent de fraude, de meurtre et de comportements racistes. Le premier tour a lieu le dimanche 27 avril. Fernand Clerc, du parti républicain progressiste devance de peu Louis Percin, du parti radical-socialiste. Ballottage. Il faut un second tour le 11 mai pour désigner le vainqueur. Lors de la balade dominicale sur le volcan on se rend compte que l’Étang sec est devenu un lac, noirci par une couche de cendres, et qu’il y a des émanations de gaz qui noircissent les boutons d’argent (toujours le fameux H2S).

    Puis tout semble se calmer...

    Cependant, le vendredi 2, un gros nuage noir envahit le ciel et masque le soleil; la respiration devient pénible. L’air est brûlant. La cendre tombe si dur qu’on l’entend frapper le sol. A 11 heures l ’éruption se calme. La mer est grise, les cacaoyers et les cocotiers ploient sous la cendre. Des colonnes de fumées s’échappent des flancs du volcan et voilent  le Prêcheur. La nuit, il « neige » des cendres sur Saint-Pierre. Les oiseaux et les serpents désertent la ville. Dans les églises les pères reconnaissent leurs bâtards, les prostituées se marient et les infidèles se font baptiser.

    Le 3 mai, le gouverneur Mouttet visite Saint-Pierre et ses environs, rassure les sinistrés et la population et avertit Paris de l’état des lieux.

    Dans la nuit du 4 au 5, la montagne lance des éclairs bleus : la lave, parvenue tout près de la surface, émet des gaz magnétiques. Les oiseaux ne volent plus et tombent morts. La rivière Blanche se gonfle en pleine saison sèche. Le matin, l’eau est boueuse, rouge et puante, elle laisse échapper des jets de fumée. Vers 10 heures, elle inonde la route du prêcheur. Les nappes phréatiques remontent et les vapeurs de magma s’y condensent. A midi, une coulée de boue et de rocs, haute de 50 mètres et large de 100, dévale la rivière Blanche à la vitesse de 120 à 160 kilomètres à l’heure. C'est un « lahar ». L'usine Guérin et tous ses occupants sont emportés. Deux autres coulées suivront, la dernière faisant reculer la mer de 150 mètres du rivage. Gaston Landes observe une brèche sur la montagne, à l’aplomb de la rivière Blanche. Le bourrelet rocheux qui fermait l’Étang sec a sauté. Le lac s’est vidé dans la rivière. A Saint-Pierre on assiste à des raz-de-marée qui firent 25 victimes. Mais les Pierrotins ne fuient pas en masse, les autorités se veulent rassurantes. Le gouverneur Mouttet revient; M Fouché, le maire, lance des appels au calme. Dans la nuit le magma tente de s’échapper par les fissures de la roche, des gaz bleus en sortent.

    La journée du 6 est presque calme.

    Le mercredi 7 mai, la montagne crache des laves et des blocs incandescents dans des colonnes de fumées à la base rougeoyante. L’éruption est phase magmatique. La nuit toutes les rivières de la pelée sont en crue. On ne voit pas à un mètre. La cendre a fait exploser un générateur d’électricité. La mer charrie des arbres, des pierres ponces et des animaux morts, emportés par les flots en furie. La montagne rugit et gargouille. A 10 heures, le maire demande au gouverneur de réunir une commission scientifique. A 11 heures 45, un nuage blanchâtre dont la base est jaune et le sommet boursouflé en forme de chou-fleur fuse de la montagne très, très haut; c’est une nuée ardente,phénomène encore inconnu, qui dévale la montagne et bifurque vers la mer en évitant Saint-Pierre. Vers 14 heures, de violentes détonations agitent l’air fétide. A 15  heures, un petit raz-de-marée envahit la place bertin. Les Pierrotins ne sont pas au courant que Saint-Vincent vient d’être dévasté par l’éruption de la Soufrière faisant 1565 morts. Le câble reliant les îles s’est rompu. Mouttet refait le voyage pour Saint-Pierre et réunit la commission. A 19 heures un communiqué est affiché : « Tous les phénomènes actuels n’ont rien d’anormal. La sécurité de Saint-Pierre reste entière. ». Dans la nuit, un puissant orage arrose Saint-Pierre. Quatre cents villageois du Prêcheur meurent sous une nouvelle coulée de boue.

    Le matin du 8, il n’y a presque plus de cendre à cause de la pluie. Il fait beau. Vers 6 heures, le volcan crache d’énormes fumées noires et compactes qui couvrent de cendres le port et les bateaux. Peu avant 8  heures, la montagne explose. L’onde de choc éviscère et pulvérise les premières victimes. Une nuée ardente dévale à près de 500 kilomètres à l’heure et arrive sur la ville. Sa température dépasse les 800°C, ce qui provoque l’explosion des tonneaux de rhum qui mettent le feu aux usines et maisons. Les Pierrotins inhalent un air brûlant et se consument de l’intérieur. Dehors ils sont écrasés par une pluie de pierres. Tous les bateaux de la rade coulent, submergés par le raz-de-marée ou dévorez par le feu. En 90 secondes près de 30000 humains et la plus belle ville de la Caraïbe ont péri. Seuls s’en sortiront Léon Compère, un cordonnier blotti sous un meuble et Louis Cyparis, abrité par le cachot de sa prison. Les 29 et 30 août de la même année, suite à une nouvelle série de nuées ardentes plus terribles que celle de mai, la Pelée fera 1500 morts de plus à cause du même manque de clairvoyance des gouverneurs Georges Lhuerre et Jean-Baptiste Lemaire qui renverront et maintiendront dans leurs foyers les milliers de sinistrés qui affluent des villages du Nord vers Fort-De-France en dépit des nouvelles secousses de la montagne. Saint-Pierre cette fois est rasée. La ville est rayée de la carte administrative en février 1910 et une nouvelle Saint-Pierre sera inaugurée le 20 mars 1923.

    Saint-Pierre n’a jamais pu retrouver ses fastes d’antan.

     

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