• Il y a 48 ans : la catastrophe du barrage de Malpasset

     

    Le barrage avant la catastrophe

    Au début de l'hiver 1959, les pluies torrentielles viennent remplir pour la première fois le nouveau barrage de Malpasset, en amont de Fréjus, dans le département du Var. Lorsque celui-ci cède soudainement, le 2 décembre à 21h13, près de 50 millions de mètres cubes d'eau déferlèrent en une vague de 40 mètres de haut dans la vallée du Reyran à 70 km/h, ravageant tout jusqu'à la mer. C'est la plus grande catastrophe de ce genre qui ait jamais touché la France.

    La plaine ravagée après la catastrophe

    "De tous les ouvrages construits de main d'homme, les barrages sont les plus meurtriers".

    Ces mots sont ceux du constructeur du barrage de Malpasset, l'ingénieur André Coyne alors président de l'Association internationale des grands barrages et spécialiste incontesté de la construction des barrages-voûtes, qui décéda six mois après la catastrophe.

    L'historique

    La construction d'un barrage dans la région de Fréjus est envisagée juste après la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre des grands projets d'équipement du pays. Son principal objet est de constituer un réservoir d'eau permettant d'irriguer les cultures dans une région où les pluies sont très irrégulières. Le conseil général du Var, maître d'œuvre de l'opération, reçoit une importante subvention du ministère de l'Agriculture. Il fait alors appel au grand spécialiste des barrages-voûtes, André Coyne, "auteur" du barrage de Tignes par exemple. Le site choisi est celui de la vallée du Reyran, un torrent sec l'été et en crue l'hiver, au lieu-dit " Malpasset ", un nom qui perpétue le souvenir d'un brigand détrousseur de diligences.

    L'inauguration. puis la mise en eau partielle du barrage ont eu lieu en 1954. Mais la faiblesse des pluies des années suivantes, d'une part, et une longue procédure judiciaire avec un entrepreneur qui refuse de se laisser exproprier, d'autre part, ralentissent passablement cette phase de remplissage.

    Les faits

    En 1959, la Côte d'Azur reçoit des pluies diluviennes, le niveau de l'eau monte très rapidement - trop rapidement pour permettre un contrôle convenable des réactions du barrage. D'autant qu'il est impossible, à ce moment, de lâcher de l'eau : la construction de l'autoroute nouvelle juste en aval du barrage interdit d'ouvrir les vannes - sauf à endommager les piles d'un pont dont le béton vient d'être coulé. Le 2 décembre à 18 h, les responsables du barrage décident tout de même d'ouvrir la vanne de délestage afin de laisser s'écouler un peu d'eau, la capacité maximale de l'ouvrage étant atteinte. Vers 21h10, le niveau ayant baissé de quelques centimètres, le gardien Ferro rentre vers sa maison située à environ 1500 mètres en aval du barrage. Il entend des craquements successifs, sent un souffle violent ouvrant portes et fenêtres. Une grande lueur est visible et l'électricité s'éteint. Le barrage s'est rompu en un instant. Les appareils enregistreurs de l'EDF ont fixé la chronologie du drame : 21h13 pour la rupture de la ligne alimentant le transformateur situé près du barrage et 21h34 pour la rupture de la ligne passant à l'entrée de Fréjus. La vague a donc mis 21 minutes pour semer la mort dans la vallée du Reyran et arriver jusqu'à la mer. De l'ouvrage éventré jaillit soudain une trombe d'eau qui déferle avec une violence inouïe en direction de Fréjus, dévastant tout sur son passage. La force de cette masse liquide de 40 mètres de haut est si puissante que, tels de simples galets, d'énormes blocs de béton, constituant le gros œuvre du barrage et, pour la plupart de la taille d'une petite maison pesant plusieurs dizaines de tonnes sont roulés sur des centaines de mètres.

    Le plan ORSEC - plan d'organisation des secours - est immédiatement déclenché. Les militaires des bases locales ainsi que des hélicoptères de l'armée américaine basés dans les environs s'occupent de porter secours aux survivants, mais aussi de dégager les corps des victimes. Le général de Gaulle, président de la République, venu sur place quelques jours plus tard, découvre une zone totalement sinistrée. La catastrophe a fait 423 victimes. Par ailleurs, 2,5 km de voies ferrées ont été arrachés, 50 fermes soufflées, 1000 moutons et 80 000 hectolitres de vin perdus.

    Image:Malpasset-1988.jpg

    Après plusieurs années d'enquête, d'expertises et contre expertises, deux rapports sont remis aux autorités judiciaires, qui cherchent à déterminer les responsabilités du drame. Ils écartent l'hypothèse d'un ébranlement dû à un séisme - phénomène fréquent dans la région - ou à des explosifs utilisés pour la construction de l'autoroute. L'emplacement du barrage, en revanche, est mis en cause.

    Les barrages-voûtes sont réputés pour leur exceptionnelle solidité, la poussée de l'eau ne faisant que renforcer leur résistance. Malgré la très faible épaisseur du barrage de Malpasset : 6,78 m à la base et 1,50 m à la crête, ce qui en fait le barrage le plus mince d'Europe, la voûte elle-même est entièrement hors de cause. Mais ce type d'ouvrage doit s'appuyer solidement sur le rocher, ce qui n'était apparemment pas le cas à Malpasset. Certes, la roche, quoique de qualité médiocre, était suffisamment solide, en théorie, pour résister à la poussée. Mais une série de failles sous le côté gauche du barrage, "ni décelées, ni soupçonnées"  pendant les travaux de prospection, selon le rapport des experts, faisait qu'à cet endroit la voûte ne reposait pas sur une roche homogène. Le 2 décembre 1959, le rocher situé sous la rive gauche a littéralement "sauté comme un bouchon", et le barrage s'est ouvert comme une porte...

    Des travaux supplémentaires, impliquant délais et coûts accrus, auraient-ils permis d'éviter la catastrophe ? A-t-on pêché par hâte ou imprudence ? Ce n'est pas, en tout cas, l'avis de la Cour de cassation, dont l'arrêt conclut en 1967, après maintes procédures, qu'aucune faute, à aucun stade, n'a été commise ". La catastrophe de Malpasset est ainsi rangée sous le signe de la fatalité.

    Bilan de la catastrophe

    - 423 morts, répartis en :

    27 non identifiés,
    135 enfants de moins de quinze ans,
    15 enfants de 15 à 21 ans,
    134 adultes hommes,
    112 adultes femmes.

    - 79 orphelins.

    - 951 immeubles touchés, dont 155 entièrement détruits.

    Evaluation des dommages

    Terres cultivées :

    La surface des terres cultivées endommagées, portant principalement de la vigne et du pêcher, est estimée à 3.200 hectares, dont 700 hectares sont irrécupérables par suite du
    décapage de la totalité de la terre végétale, et 900 hectares doivent faire l'objet de travaux importants pour une remise en culture.

    Dégats aux bâtiments de ferme et d'exploitation :

    Dans la zone correspondant aux 3.200 hectares ravagés par la violence des eaux, il est estimé que les sinistres aux bâtiments de ferme et d'exploitation se répartissent comme suit :

    a) Fermes habitées en permanence comportant logement du propriétaire, des ouvriers et bâtiments d'exploitation :

    - 30 complétement détruites,
    - 50 détruites à 50%

    b) Bâtiments d'exploitation avec logement pour séjour
    du propriétaire ou des ouvriers pendant les travaux
    saisonniers :

    - 60 complétement détruits
    - 45 sinistrés à 50%

    Dégats aux biens meubles :

    Matériel de culture (tracteurs, motoculteurs, pulvérisateurs, poudreuses, instruments de culture, calibreuses et divers) La perte est importante. Chaque ferme, très mécanisée dans cette région possédait un matériel couteux. La quasi-totalité de ce matériel est perdu. On peut l'estimer à 750 millions.


    Cheptel vif :

    Le cheptel de trait est peu important. Les exploitations de la région étant très mécanisées. Il est cependant certain que 15 à 20 chevaux ont disparu. En outre, la totalité des animaux de basse-cour et plus de 1.000 moutons ont été noyés.

    La perte peut être évaluée à 25 millions.

    Article fait d'après différentes publications dont "La catastrophe de Malpasset en 1959" de Franck Bruel


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